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    Giselle, 180 ans de romantisme

    Voici un ballet que l’on reconnaît d’emblée parmi mille autres : du tablier au liseré bleu de Giselle aux tutus aériens des Willis, Giselle est une légende qu’il faut avoir vue ne serait-ce qu’une fois dans sa version d’origine ! Mais voilà, d’origines, elle en a plusieurs, tout comme de mystères l’entourant… Avant la venue du Ballet de l’Opéra national d’Ukraine, découvrez-en plus sur ce ballet iconique.

    1841, année romantique

    1841. L’ère du romantisme, l’époque de la Symphonie fantastique de Berlioz, du Faust de Goethe, du jeu diaboliquement beau de Paganini, de la Valse de Méphisto de Liszt : une époque où le monde invisible, souterrain, provoque beaucoup d’intérêt. L’art de la danse suit alors la littérature et la musique. Avant Giselle, Adolphe Adam avait déjà composé la musique des ballets Faust et La Dame du Danube où l’on découvrait le monde irréel des esprits des eaux – les nymphes.

    Giselle est un immense succès dès sa création. La fortune de l’œuvre a dépassé les frontières françaises : dès 1842, l’œuvre est donnée à Saint-Pétersbourg, en 1843 à Londres et Milan, en 1846 à Boston…

    Les Willis, une légende germanique

    Pour le livret de Giselle, Théophile Gautier mise non tant sur l’histoire du triangle amoureux (il y en a tant dans les ballets !), mais sur l’ancienne légende des Willis transcrite par Heinrich Heine dans De l’Allemagne. Voici ce qu’il dit de ces fantômes de jeunes femmes mortes avant leur mariage :

    Giselle -Carlotta Grisi – 1841

    Dans une partie de l’Autriche, il y a une légende qui offre certaines similitudes avec les antérieures, bien que celle-ci soit d’une origine slave. C’est la légende de la danseuse nocturne, connue dans les pays slaves sous le nom de « willi ». Les willis sont des fiancées qui sont mortes avant le jour des noces, pauvres jeunes filles qui ne peuvent pas rester tranquilles dans la tombe. Dans leurs cœurs éteints, dans leurs pieds morts reste encore cet amour de la danse qu’elles n’ont pu satisfaire pendant leur vie ; à minuit, elles se lèvent, se rassemblent en troupes sur la grande route, et, malheur au jeune homme qui les rencontre ! Il faut qu’il danse avec elles ; elles l’enlacent avec un désir effréné, et il danse avec elles jusqu’à ce qu’il tombe mort. Parées de leurs habits de noces, des couronnes de fleurs sur la tête, des anneaux étincelants à leurs doigts, les willis dansent au clair de lune comme les elfes.

    Perrot, Coralli ou Petipa : qui est le chorégraphe ?

    C’est sur la proposition de Théophile Gautier que l’Opéra de Paris confie la musique à Adam (composée en trois semaines), et la chorégraphie à Coralli. Mais c’est bien Jules Perrot qui est à l’origine du rôle de Giselle, qu’il a chorégraphié pour sa femme, la ballerine Carlotta Grisi.

    Ondine, de Jules Perrot

    D’abord un grand succès, le ballet est donné de plus en plus rarement, jusqu’à sa dernière représentation à l’Opéra de Paris en 1868. Ce n’est qu’en 1884 que Marius Petipa, qui avait assisté à la première du ballet en 1841 (son frère Lucien était le premier interprète du rôle d’Albrecht, rôle que Marius Petipa a également dansé par la suite) recrée Giselle au Théâtre Mariinsky à Saint-Pétersbourg. Petipa effectue des coupes dans les scènes mimées, rajoute le pas de deux du premier acte ainsi que la variation de Giselle, mais aussi la grande scène en arabesque des Willis au 2e acte. Il est de ce fait considéré comme le troisième chorégraphe de Giselle.

    Petipa réalise plus tard deux autres versions de Giselle (en 1899 et en 1903, avec Anna Pavlova), dont la dernière est présentée en 1910 par Serge Diaghilev à Paris, puis à Londres dans le cadre des Ballets Russes, avec Anna Pavlova et Vaclav Nijinski dans les rôles principaux. La plupart des versions de Giselle actuelles découlent de cette version Perrot/Coralli/Petipa.

    Les symboles dans Giselle

    Katerina Alaieva – Giselle. DR

    Les bras croisés

    Le prénom Giselle, ou Gisèle, nous est parvenu du germanique, et signifie “otage” (“gisil“). Tandis que les bras croisés, dans la symbolique héraldique du Moyen-Âge, symbolisent la fidélité.

    Les trois fleurs

    Sergii Kryvokon, Albrecht

    Tout d’abord, la marguerite que Giselle effeuille dans un “Je t’aime, un peu, beaucoup” dansé au 1er acte : un jeu naïf, auquel elle croit, et une fleur symbole d’innocence, de virginité et de candeur.

    Le lys, avec lequel Albrecht se rend au cimetière au 2e acte : la fleur a beaucoup de significations, mais on fait remonter son nom latin, lilium, à leila (“nuit” en arabe) et à Lilith (“silence nocturne” en hébreu). C’est donc un choix tout naturel pour Albrecht.

    Enfin, le myrte, la fleur portée par Myrtha, la grande Willis, et celle des couronnes des Willis, est le symbole de l’amour conjugal. Aux temps bibliques, les jeunes femmes juives portaient des guirlandes de myrte le jour de leurs noces.

    Les valses

    Le XIXe siècle en musique est aussi le triomphe de la valse. Elle était dansée dans les bals et dans les opérettes, les opéras et, bien sûr, les ballets. Les créateurs de Giselle étaient parfaitement dans l’air du temps : la musique d’Adam est presque entièrement basée sur la valse. Elle va des danses paysannes du premier acte à la véritable bacchanale valsée des Willis dans le second.

    Les grands moments dans Giselle

    Premier acte. Du premier acte villageois, on retient avant tout la première variation de Giselle, avec notamment cette diagonale diabolique réalisée d’un bout à l’autre sur la pointe d’un seul pied:

    Mais aussi, bien sûr, la scène de la folie de Giselle, un grand moment qui requiert davantage de jeu d’acteur que de virtuosité, et qui fait que l’on confie rarement ce rôle à une danseuse trop jeune. Parmi les plus grandes danseuses, et notamment de la scène de la folie, on cite souvent Carla Fracci, Svetlana Zakharova ou encore Natalia Osipova.

    Le deuxième acte, celui des Willis, est bien sûr le plus connu de Giselle. Il voit notamment l’introduction d’un nouveau personnage – la grande Willis, Myrtha, et ouvre sur une grande scène canonissime des Willis:

    C’est un peu plus tard dans le 2e acte que l’on assiste aussi à l’un des plus beaux pas de deux du ballet classique, le duo entre Albrecht et Giselle, ici dansé par Katerina Alaeva et Jan Vania, du Ballet de l’Opéra national d’Ukraine :